Apprécier sa grossesse insulino-dépendante

Eh oui! Depuis le deuxième trimestre de ma grossesse, pour pouvoir atteindre mes objectifs glycémiques, je suis redevenue insulino-dépendante.

Depuis fin janvier, j’ai progressivement réintégré l’insuline à ma vie : de 0 unités par jour au début du mois de janvier, je suis passée cette semaine à 10 unités d’humalog par repas. En moyenne, j’ai augmenté d’une unité à chaque 8-10 jours. J’ai aussi recommencé l’insuline lente et suis passée de 3 à 8 unités par jour la semaine passée. Et ce n’est qu’un début!

J’avoue avoir modifié mon alimentation : tant qu’à me piquer, autant en profiter! Je mange plus de glucides qu’il y a trois mois, c’est certain. Rien d’extravagant, rien qui ne nécessiterait autant d’insuline “en temps normal”. Plus de fruits, de plus grandes portions de repas cuits, et même du sirop d’érable à quelques reprises. Malgré ces escapades, je mange comme toujours végétalien, entier, varié, sans sucres raffinés, et principalement non-transformé, biologique et cuisiné maison. Je prends aussi des suppléments de vitamine B12, D et Oméga 3 DHA végétaux. Je ne connais pas de manière plus fiable de s’alimenter!

Croyez-le ou non, après toutes ces années à militer pour l’autonomie et à me péter les bretelles du fait que je gère mes glycémies et ma vie sans aucun médicament, mon retour à l’insuline me fait plaisir. Sincèrement! En me fiant sur mon expérience, voici quelques pistes pour mieux apprécier sa grossesse insulino-dépendante.

Aimer son enfant

Peu importent les circonstances parfois complexes ou même pénibles de la conception, de notre situation de couple ou économique, notre enfant n’en est pas responsable. Si nous choisissons de le ou la garder, assumons-le : l’aimer et souhaiter son bonheur me semblent une priorité de parent.e.s.

En ce qui me concerne, je suis amoureuse de notre bébé depuis quelque temps avant sa conception. Je crois que cet amour croît au fur et à mesure de la grossesse et de ses petits coups! Et des bisous de Clément, son aimé papa. Mon sentiment de responsabilité à l’égard de notre enfant m’aide à faire plus d’efforts qu’en temps normal. Il m’arrive parfois, comme lors de mes premières années de diabète, d’en avoir marre de mes 10 piqûres par jour. De temps en temps, ça fait mal. Parfois, j’ai juste envie de pouvoir me nourrir comme les autres, sans avoir à subir ce lourd rituel.

L’atout que j’ai aujourd’hui, c’est de me concentrer sur notre enfant qui dépend totalement de moi. Ça m’aide à relativiser et me donne l’énergie de continuer.

Pour les personnes insulino-dépendantes en tout temps : pourquoi ne pas entretenir cet amour envers vous-même? Les hauts et les bas font partie de la vie et sont inévitables, mais en tant qu’adultes, si nous ne prenons pas soin de nous… il se peut que personne ne le fera. S’aimer, prendre soin de soi, c’est notre cadeau ultime, le mieux que nous puissions accomplir pour soi. Et même éventuellement pour les autres!

Se piquer dans le bedon!

Isis enceinte prend de l'insuline
Depuis ma première injection et probablement jusqu’à la fin de la grossesse, je ne me suis piquée qu’à un seul endroit : dans mon ventre arrondi, autour du nombril. C’est l’endroit le plus efficace, m’a dit mon endocrinologue, et il n’y a pas de risque de toucher la ou le bébé qui se trouve 6 cm sous la peau. C’est l’occasion, plusieurs fois par jour, de penser à notre bébé, de caresser mon ventre et parfois de récolter un petit coup qui me fait sourire. Cette partie du “lourd” rituel l’allège!

Si je continue l’insulino-thérapie plus tard dans la vie, je crois continuer à le faire à cet endroit. Si je n’ai plus de bébé, je pourrai me rappeler cette période et m’aimer, tout simplement. Plus facile de s’y adonner en regardant son nombril que ses cuisses, ses fesses ou ses bras!

Relativiser

Il est normal pour une femme enceinte de nécessiter plus d’insuline. Le placenta libère des hormones qui réduisent la sensibilité à l’insuline, et les variations de la production d’insuline semblent suivre une courbe similaire chez toutes les femmes enceintes, qu’elles soient ou non diabétiques. Voyez cette courbe dans l’article sur ma grossesse diabétique, végétalienne et à vélo.

Il y a quelques décennies, soit avant l’invention de l’insuline, je n’aurais pas eu d’autre choix que d’avoir des glycémies de plus en plus hautes. Cela aurait représenté des risques supplémentaires pour ma santé et celle de notre bébé, qui aurait pris beaucoup trop de poids. Les gros bébés sont plus difficiles à accoucher, et sans césarienne, peut-être que l’un ou l’autre ou les deux n’auraient pas survécu à l’accouchement! Il y a 30 ans à peine, on déconseillait tout simplement aux femmes diabétiques de songer à devenir mères. (Heureusement, elles n’ont pas toutes obtempéré! Ma mère est diabétique et a malgré tout eu 5 enfants!)

Quand je pense à ça, je me sens sérieusement très chanceuse. J’apprends aussi à apprécier la recherche médicale pour ses bons coups.

Apprécier les bienfaits d’un diabète bien contrôlé

J’ai toujours cru que j’étais trop cool avec mes environ 7% d’hémoglobine glyquée sans médicaments. Il faut rappeler que je partais de loin! Depuis ma grossesse, j’atteins des niveaux de contrôle inégalés dans toute l’histoire de mon diabète. J’ai d’ailleurs hâte à ma prochaine hémoglobine glyquée pour pouvoir en mesurer l’ampleur.

J’apprécie beaucoup cette nouvelle sensation. Je me sens en hyperglycémie lorsque je dépasse les 6,5 mmol/L! Avant, je ressentais ces mêmes symptômes quand je dépassais les 9 mmol/L. Je vous assure que ça ébranle ma conception d’un diabète “bien contrôlé”. J’aurai peut-être (probablement) envie de continuer l’insuline après ma grossesse, au moins une fois de temps en temps.

La stabilité de nos glycémies, c’est bon pour notre enfant, mais c’est aussi bon pour soi!

Se faire plaisir

J’ai beaucoup de plaisir dans la vie, même quand je mange moins de glucides. Depuis novembre 2008, une de mes plus grandes sources de joie était que mes quelques “sacrifices” alimentaires en termes de glucides me permettaient d’éviter les piqûres. Mais depuis que je les ai recommencées, je me sens à nouveau normale. J’ai pu goûter à des desserts végétaliens que normalement j’éviterais. Après réflexion, plusieurs desserts ne me plaisent pas. Le sucre blanc et les produits raffinés, bien que végétaliens, m’apparaissent aussi indigestes que les produits animaux ou chimiques. Mais au moins, je me sens libre de dire oui ou non, selon mon envie, et sans soif excessive, sans fatigue extrême si je cède à la tentation. Cette liberté me fait probablement encore plus de bien que les desserts en tant que tels.

Isis avec son stylo à insuline
Je me sens réellement normale, une simple humaine qui mange bien, écolo et éthique, comme si j’étais moins diabétique qu’avant! Et pourtant, je n’ai jamais pris mon contrôle glycémique autant à cœur que ces trois derniers mois!

En vous souhaitant autant de plaisir que j’en ai à prendre soin de moi et de notre enfant, n’hésitez pas à partager vos expériences de grossesse sous insuline. En fait, enceintes ou pas, hommes et femmes : si vous prenez de l’insuline, avez-vous des anecdotes ou des trucs à partager pour rendre l’expérience plus agréable?



Crédit photo : Clément Courte

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