Cela fait aujourd’hui, au mois de novembre 2013, cinq ans que je vis sans insuline. C’est une victoire! Qui n’est pas tombée du ciel. Je vous livre ici mon cheminement pour en arriver là.

La vie, c’est une excuse pour la nourriture!

J’ai eu une enfance heureuse et préoccupée. Quatrième d’une famille de 5 enfants, j’ai grandi toujours un peu à l’ombre de mes grandes sœurs vénérées, et toujours un peu en compétition avec mon frérot pour l’attention des aînéEs. Nous avons vécu à la campagne, dans une belle grande maison colorée, nous avons exploré les environs, nous avons conquis la vie et nous nous sommes émerveilléEs devant elle.

Isis joue dans l'arbre avec son frère

À 9 ans, je grimpais déjà… dans les arbres !

J’ai eu de la difficulté à accepter le monde dénué de bienveillance qu’on m’a présenté à l’école. J’ai rapidement compris que la société des adultes avait de gros problèmes d’empathie et d’adaptation à son environnement. Je n’avais pas sept ans que je savais que je devrais travailler fort toute ma vie pour aider les choses à aller mieux.

J’ai toujours adoré la nourriture. Quand mon père me disait : “Il faut manger pour vivre et non pas vivre pour manger”, je lui répondais invariablement “Bien sûr que non, la vie, c’est une excuse pour la nourriture!” Je suis devenue végétarienne en 6ième année par dédain de la violence faite aux animaux. J’ai alors décidé que la gentillesse était la valeur ultime et la méchanceté, le défaut ultime. J’ai commencé à cuisiner plus à 11 ans que la plupart des adultes de mon âge aujourd’hui.

J’ai joué du violon, puis du piano, j’ai dessiné, dessiné, écrit, fait du théâtre, dédié ma vie aux arts, aux couleurs et à la beauté. J’ai été excentrique, j’ai essayé comme j’ai pu de m’intégrer dans cet univers qui ne valorisait pas beaucoup ce qui m’importait. Grosso modo, je me sentais seule et incomprise, mais je souriais et j’étais amoureuse de la vie.

Sur le coup, je ne les ai pas crus

Cette vie déjà mouvementée a basculé quand j’ai été diagnostiquée diabétique de type 1 en décembre 20001. J’avais alors 14 ans et je commençais à me construire une identité autour du végétarisme, du théâtre, du dessin et de l’écologie. J’avais bien d’autres choses à faire que d’apprendre à m’occuper de moi!

Isis adolescente et joyeuse

16 ans : Peace and love and diabetes !

On m’a appris à calculer les glucides d’un repas, à me servir d’un stylo d’insuline, et on m’a laissée à moi-même avec quelques pamphlets expliquant qu’on pouvait à la fois être diabétique et bien dans sa peau. Sur le coup, je ne les ai pas crus.

Ce qui me frappe le plus aujourd’hui, c’est l’insistance avec laquelle on m’a répété le caractère absolument incurable du diabète, et le fait que la seule thérapie connue était la mesure des taux de sucre grâce au glucomètre (“Remercie le ciel de n’être pas née il y a 60 ans”) et la prise d’insuline à chaque ingestion de nourriture. Sur le coup, je les ai crus!


On m’a dit que le régime végétarien n’était pas idéal

J’ai essayé d’être assidue, mais la discipline et la routine n’ont jamais eu d’intérêt pour la petite fille éparpillée que j’étais. J’ai vu quelques endocrinologues découragéEs par mon mauvais contrôle. On m’a répété maintes fois les conséquences désastreuses d’un diabète mal contrôlé sur les yeux, les reins, les systèmes nerveux et circulatoire, mais sans succès. Ce n’était pas de la mauvaise foi, c’était à la fois une incapacité de faire mieux et de la révolte pure. Je ne pouvais pas me résoudre à mettre ma vie dans un carnet, à faire des mathématiques poussées pour avoir le droit de simplement manger. Alors j’y allais au pif, je sautais parfois des piqûres, je rageais, je pleurais. Et mes hémoglobines glyquées suivaient mes humeurs2.

On m’a dit que le régime végétarien n’était pas idéal pour les diabétiques puisque la viande contient moins de glucides que les sources végétales de protéines. Après quelques années, j’ai cédé devant la pression sociale et l’insistance de mon premier copain : j’ai recommencé à manger de la chaire animale à 17 ans, rancune au cœur, et je me suis aussi bourrée de sucre pour étouffer le dégoût que ça m’inspirait. En calculant à moitié mes doses d’insuline, j’ai vu quotidiennement des glycémies entre 2.5 et 40 mmol\L, la normale se situant entre 3.6 et 6 mmol\L. J’ai sombré dans une période de montagnes russes émotionnelles et glycémiques qui a durée quelques années. J’ai pris plus d’insuline que nécessaire pour provoquer des débuts d’hypos et avoir le “droit” de manger plus de glucides.

Mes glycémies étaient atroces et je savais que plus le temps passait, plus je risquais de voir apparaître les conséquences de mon laisser-aller. Je mangeais beaucoup de produits laitiers et beaucoup de sucre, et j’ai éventuellement commencé à voir des taches blanches devant les yeux durant l’hiver 2007-2008. En me réveillant le matin, ça pouvait prendre quelques minutes avant que je ne vois clair. Il y a un peu plus de 5 ans, durant le printemps et l’été 2008, j’ai vécu deux hypoglycémies assez sévères pour pouvoir affirmer que si je n’avais pas été accompagnée, je ne serais probablement plus là pour en parler. Merci Patrick! :) J’ai commencé à avoir aussi peur de l’insuline que des glucides non-digérés… et à désespérer. Comment me sortir de ce merdier?

Si c’est bon pour les diabétiques de type 2, pourquoi pas pour moi?

Je suis fille de diabétique. J’ai vu ma mère se piquer toute ma vie; ses hauts et ses bas glycémiques ont toujours fait partie de mon quotidien. Mais je suis aussi fille d’artistes et d’utopistes. J’ai eu la chance d’être élevée hors des sentiers battus, ce qui m’aide parfois à oser prendre des risques.

Découverte des plantes médicinales

À 22 ans, je découvre enfin le noyer noir et l’eucalyptus. Alleluïa !

Quand une amie m’a dit qu’il existait des plantes hypoglycémiantes, je ne l’ai pourtant pas prise au sérieux. Il a fallu qu’elle me fasse jeûner quelques jours avec une de ces plantes, le noyer noir, et que j’aie de légères hypoglycémies, pour que j’entrevois le potentiel de la chose. J’ai alors commencé à boire des tisanes de noyer noir, de ginseng, de fenugrec, d’eucalyptus… Et comme je voyais une légère amélioration dans mes glycémies lorsque j’en prenais (de l’ordre du 20%), j’ai commencé à y croire.

De diabétique désillusionnée et morose, je suis graduellement devenue exploratrice. De victime sur qui l’univers semblait s’acharner, je suis devenue responsable. J’ai commencé à lire Maurice Mésségué, Anny Schneider, Danièle Laberge. J’ai lu sur le traitement naturel du diabète de type 2. Tout ce qui leur était recommandé, je l’ai appliqué. Glucides complexes, exercice physique quotidien, plantes médicinales, diminution des produits animaux. Si c’était bon pour les diabétiques de type 2, pourquoi pas pour moi?

Et j’ai fait des tests.

J’ai commencé à diminuer puis j’ai coupé l’insuline en novembre 2008. Je n’en ai pas repris depuis. J’ai accepté des glycémies trop élevées en me disant qu’elles étaient temporaires et qu’elles étaient littéralement plus viables qu’une surdose d’insuline avant d’aller me coucher… Et j’ai fait des tests.

Glucomètre en mains, j’ai tout testé : ce que je mangeais, l’exercice physique, ma fatigue, le stress, les plantes médicinales. Tout ce qui pouvait avoir un impact, je le notais. Au départ, mes glycémies sans insuline se trouvaient, la plupart du temps, entre 5 et 7 mmol/L le matin à jeûn, et à 7-20 mmol/L après avoir mangé, selon ce que j’avais mangé. En haut de 8, j’avais très soif et je me sentais embrouillée, mais je ne souffrais pas trop des autres symptômes de l’hyperglycémie. En changeant de diète, avec le temps et l’expérience, mes glycémies à jeûn sont devenues assez stables entre 4 et 5.5, puis entre 5 et 15 après les repas.

J’ai commencé à m’intéresser à ce que je mangeais et pourquoi, et à ses conséquences sur mes glycémies. D’abord, je suis redevenue végétarienne. Les glucides complexes des légumes, légumineuses et céréales entières sont redevenus la base de mes repas, pour mon plus grand plaisir. J’ai tout de suite recommencé à avoir des selles normales et j’ai arrêté d’avoir mal au ventre durant mes menstruations. Puis j’ai commencé ma longue quête de la diète parfaite.

Dégradé de fruits et légumes

Joli dégradé. N’est-ce pas?

J’ai tenu un journal de diabétique. Comme c’était une initiative personnelle, ce n’était plus une tâche mortelle mais un outil d’études motivant. Dès que possible, j’écrivais le contenu de mes repas, mes plantes hypoglycémiantes, et mes glycémies, que je mesurais avidement de 5 à 10 fois par jour! Cela a duré deux ans, et mes hémoglobines glyquées ont graduellement baissé. De 11 à 13% (vraiment terrible), elles sont passées à 9.0 (très très mauvais), puis 8.2, puis 8.0 (très mauvais)… Puis à 7.8 (mauvais mais mieux).

Durant 2 ans environ, je faisais de gros efforts de diète, je buvais des tisanes hypoglycémiantes à tous les repas et j’essayais quotidiennement de prendre une longue marche rapide. Je sentais que je pouvais faire mieux, mais je ne savais pas comment. En même temps, parfois, je doutais de moi et je me demandais si je ne devrais pas recommencer à prendre de l’insuline, juste un peu. En vieillissant, on commence à s’attacher à la vie et à souhaiter conserver nos yeux et reins le plus longtemps possible! Mais au moins les taches blanches avaient bel et bien disparu.

Le résultat fut foudroyant.

Puis, la même amie qui m’a fait jeûner et découvrir le noyer noir me prêta un livre :“Alimentation, science et spiritualité” de Gabriel Cousens. Dès les premières pages, j’ai décidé de suivre ses conseils. De végétarienne qui mangeait beaucoup de salades, je suis devenue végétalienne, crudivore et plus sensible à mon appétit.

À partir de ce jour-là et pendant 3 mois, je suis restée complètement crudivore et j’ai pris mes glycémies plus de 5 fois par jour.  Le résultat fut foudroyant. Le premier soir suivant ma décision, au coucher, ma glycémie était à 4.1 mmol/L. Je m’en souviendrai toujours : ma première glycémie de soir idéale en plusieurs années. J’ai écrit un courriel à toute ma famille pour leur partager mon émoi. En trois mois, j’ai eu deux glycémies en haut de 8, quelques-unes entre 7 et 8, un peu plus entre 6 et 7, et la grande majorité entre 3,6 et 5,5. Pratiquement normal quoi! Chaque jour qui passait, j’étais plus emballée. J’ai été prendre mon hémoglobine glycquée après un mois et demi de ce régime, et elle était à 6.8%. Ma meilleure glycémie à vie, en 10 ans de diabète! Puis j’ai passé quelques jours dans ma famille, et j’ai cédé : la nourriture cuite est si alléchante! Je suis fermement restée végétalienne, mais je n’ai plus jamais été crudivore pour un aussi long laps de temps.

J’ai appris qu’un régime végétal bien mené pouvait contrôler ou guérir la plupart des maladies

Smoothie

Miam miam les smoothies !

J’ai continué mes recherches sur les plantes médicinales. J’ai découvert une vingtaine de plantes hypoglycémiantes ou aidantes pour le diabète, et j’ai graduellement élargi mon champ d’étude pour m’intéresser à la nutrition. J’ai lu Gabriel Cousens, Ann Wigmore, Victoria Boutenko, Brenda Davis. Anne-Marie Roy, Michael Greger et d’innombrables sites webs.

J’ai appris qu’un régime végétal bien mené pouvait contrôler ou guérir la plupart des maladies connues, du cancer à l’asthme en passant par les crises cardiaques et… oui, le diabète. De type 2 principalement, mais parfois je lisais un petit témoignage, parfois une étude sur les cas de diabète de type 1 aussi. J’ai expérimenté la diminution drastique de mes crises d’asthme, et comme je le disais, un retour des selles normales et des périodes de menstruations joyeuses car plus du tout douloureuses. Et grosso modo, un meilleur état de santé et d’énergie.

Pendant 2 ans, je suis restée principalement crudivore “avec des rechutes”. Des rechutes de végépâté, de haricots cuits, de riz aux légumes, de pain bio au levain. J’ai finalement accepté il y a environ un an que j’aimais la nourriture cuite et que c’était correct de me faire plaisir, dans la mesure où je n’abuse pas. Mon corps préfère qu’au moins la moitié de ce que je mange soit cru. Depuis cette acceptation, je me sens beaucoup mieux, beaucoup plus stable. Je ne me sens pas du tout au régime, et je n’ai donc plus vraiment de “rages de nourriture” de quelque chose que je m’interdis.

La saga n’est pas terminée!

Parallèlement à mon travail d’acceptation et de contrôle du diabète, j’ai aussi entamé un profond travail d’acceptation de la réalité. J’ai tellement ragé face au viol, à l’esclavage, à la destruction de l’environnement, à l’exploitation inutile des animaux et des êtres humains, au gaspillage d’énergie, au système économique destructeur. Depuis plusieurs années, au lieu de rager, je travaille fort pour changer ces réalités, tout en métamorphosant la colère et le dégoût en compréhension et, oui, en amour.

Cet effort psychologique et émotionnel m’apaise et diminue l’écart de mes montagnes russes. Je suis moins artistique qu’autrefois : je travaille beaucoup… Mais je me garde de beaux moments de création par-ci, par-là, par nécessité et par joie. Aujourd’hui, je ne prends presque plus de plantes médicinales. Je perçois qu’elles sont utiles pour pallier à une mauvaise alimentation : je n’ai pas envie d’en prendre tous les jours. Je prends soin de moi, j’escalade, je fais du vélo presque 10 mois par an, et je tente de ne pas trop grignoter entre les repas, même lorsque je cuisine. Mes hémoglobines glycquées, “par défaut”, sans aucun effort, se tiennent entre 6.8 et 7.2 depuis 2 ans, et dernièrement je me sens prête à passer une nouvelle étape. Je vous en redonnerai des nouvelles mais je vise le 6.5% et moins pour la prochaine fois (avril 2014).

Isis fait de l'escalade à Squamish, BC

À 26 ans, je grimpe mon premier V1 sur les blocs de Squamish, BC


Au printemps 2013, alors que ça faisait plusieurs années que je vivais sans insuline et que je commençais à bien gérer mes glycémies, mon équipe médicale a revu mon diagnostique de type 1. On a fait des tests génétiques et découvert que j’étais porteuse du gêne défectueux à l’origine du diabète de type MODY 3. Je sais donc, depuis le mois de juin 2013, que mon diabète de type 1 était une erreur de diagnostique. Cela n’invalide pas ni mes recherches ni mes propos, mais je produis encore un peu d’insuline, surtout de l’insuline lente ais-je appris dernièrement. Je n’ai pas terminé de chercher des informations à propos de ce diabète. Étant plus rare, il est vraiment moins étudié. À suivre!

Que retenir de mon parcours?

Me voilà aujourd’hui, diabétique diagnostiquée type 1 il y a 13 ans puis rediagnostiquée type MODY 3 dernièrement, avec un pancréas qui fonctionne comme il peut, beaucoup de volonté et vivant normalement, sans aucune médication, sans hypoglycémie, sans piqûres sauf parfois pour témoigner de mon histoire, et sincèrement, sincèrement désireuse d’aider d’autres gens à devenir autonome dans leur apprentissage de la santé.

Vous aurez compris que ma démarche ne vise pas la perfection mais plutôt la santé physique, émotionnelle, mentale, spirituelle et sociétale durable. Je ne peux pas supporter la privation forcée, aussi j’apprends lentement à accepter les changements comme naturels et ainsi, je sais que quand je passe une étape, je ne reviens pas en arrière. Je n’ai pas terminé d’apprendre, loin de là, mais je me sens assez forte pour partager ce qui m’arrive et conseiller d’autres diabétiques à entreprendre des démarches similaires. C’est à vous qui lisez ces pages de décider de ce que vous allez en faire.

Et vous, quel est votre historique de diabétique?

Qu’allez-vous faire pour conserver vos reins et vos yeux toute votre vie?! Je le répète assez souvent : c’est le temps d’agir. Diabétiques de type 1, 2, MODY, gestationnel, et toutes les autres personnes aussi : à nos jardins, à nos couteaux, à notre santé!



Voir aussi : Six ans d’autonomie dans le traitement de mon diabète

Après toutes ces péripéties, j’ai finalement écrit et publié un livre, Diabète Choisir la vie. Coloré, bien documenté et pertinent, il présente mes solutions simples, efficaces et vécues pour vivre idéalement sans médication.



1. J’ai appris au mois de juin 2013 qu’on m’avait mal diagnostiquée. Je suis maintenant officiellement une diabétique de type MODY 3, un type génétique irrégulier, qui fait que mon diabète est probablement plus facile à contrôler que des “vrais” type 1. Néanmoins, je pense que mes démarches peuvent profiter à tous les types de diabétiques. J’ai aussi lu quelques récits de diabétiques de type 1 vivant sans insuline grâce à une alimentation végétale principalement crue. Testez-le! Et manifestez-vous si c’est votre cas!

2. L’hémoglobine glyquée, la moyenne des taux de sucre sur trois mois, se situe entre 4 et 6% chez les non- diabétiques. La plupart des potentielles complications du diabète sont évitables en conservant un pourcentage de glucose sanguin à moins de 7%. C’est l’objectif qu’on donne aux diabétiques de mon âge. Ma première hémoglobine était à 12.5 en décembre 2000. Durant mes huit premières années de “contrôle” diabétique avec insuline, j’ai eu des hémoglobines entre 7.4 (ma meilleure de loin : toutes mes autres étaient en haut de 8.4) et 13.9%. Ma moyenne se situant entre 9 et 11%. C’est ce qu’on appelle un contrôle désastreux. À long terme, ce mauvais contrôle garantit la perte d’autonomie visuelle et rénale.

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